La langue bretonne ne sert à rien

Publié le par Arzhmael

« Je ne vous dis pas que le breton est mort, je vous dis seulement qu’il ne sert à rien. Comme le basque. Et le kabyle. Et le tchouvache. Et le slovaque. Mais le français n’est pas plus utile, ni l’allemand. Et le jour où le monde entier parlera l’espèce de pidgin, vaguement dérivé de la langue de Shakespeare, qui sert à retenir une chambre à Bangkok ou à marchander un poncho made in taiwan à Acapulco, on s’apercevra que l’anglais lui-même ne sert plus à rien. Aucune langue ne sert à rien, s’il s’agit seulement de communiquer. Les ordinateurs y pourvoiront bientôt. Et n’importe quel code binaire remplira cet office plus efficacement que les trois cents mots d’aucun volapük. Déjà pour transmettre des idées, on peut se passer du langage; des gestes, les images, les formules mathématiques ou chimiques peuvent y suffire. A fortiori peut-on se passer d’une langue donnée, fût-elle la plus répandue du monde, pour troquer des actions, des armes ou des esclaves.
Tout irai pour le mieux si le langage n’était qu’un outil de communication. S’il n’était pas d’abord le creuset où se forme la pensée de l’homo sapiens sapiens.
Les langues sont des grilles pour déchiffrer le monde. Plus le nombre s’en restreint, plus l’esprit de l’homme s’appauvrit. L’horreur serait un monde unilingue, un monde qui ne connaîtrait qu’une approche uniforme de la vie, de la mort, de l’amour, de l’avenir. Que pourrions-nous échanger si nous pensions tous de la même façon ? A quoi bon être nombreux si nous devions être interchangeables ?
Il devrait être obligatoire d’être au moins bilingue. Non pas pour savoir demander sa route sitôt que l’on met un pied hors de l’Hexagone, mais pour ne pas poser sur le monde un regard borgne. Car c’est être borgne que de rester prisonnier d’une seule langue. C’est se condamner à ne pas voir les reliefs, à prendre les mots pour des choses, à s’abandonner aux idées reçues, au mirage des formules convenues, des schémas préétablis. Le bilinguisme seul permet de n’être pas dupe des lieux communs. »

                                                                                                                 Erwan Vallerie

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